Le mois de la pléchie en Morvan
Transmettre un savoir-faire morvandiau, le plessage de haies vives, qui a toute sa place dans le monde contemporain : simple et écologique, économique et durable, esthétique et pratique
Un savoir rare , encore très vivant en Morvan revalorisé par le Parc
L’histoire du Morvan agricole et de la micropropriété se lisent encore très facilement dans le paysage. Les nombreuses petites parcelles cultivées étaient clôturées par des haies plessées. Ce plessage « piéchie ou pléchie ou pièssie » perdura jusqu’aux années 60-70. Ainsi, beaucoup de Morvandiaux sont encore détenteurs de ce savoir, ce qui est très rare en France et en Europe. Cette technique consiste à coucher des arbustes que l’on incise au pied pour les entrelacer entre des pieux. Ainsi, la pousse pouvait continuer, formant une haie quasi infranchissable. Tous les 15 -20 ans, on « repiéchait » les rejets hauts, qui fournissaient du bois de chauffage. Le Morvan recèle des milliers d’arbres couchés, tordus, témoins de pièchies de 50 à 250 ans.
Une sauvegarde et une transmission vers tous les publics
Fort de ce savoir-faire encore vivant, le Parc et le réseau Écomusée du Morvan, avec des anciens paysans lancèrent en 2009, la « semaine de la pléchie » devenue par son succès le mois de la pléchie en 2012. Chaque année en mars, sur 25 communes, plus de 100 « plécheurs » transmettent leur savoir à des stagiaires. Un évènementiel qui attire nombreux voisins, écoles, curieux et les médias… En 10 ans, plus de 800 stagiaires ont été formés. Les publics visés sont des particuliers, des artisans en espaces verts, des jeunes, des agents communaux,… afin qu’ils reprennent le « flambeau » pour des jardins, des lieux publics ou touristiques…
Mutualiser les énergies pour transmettre cette technique qui a de l’avenir
L’objectif avec l’association « les plécheux du Morvan (créée en 2013) est de réactualiser cette technique qui sauvegarde, revivifie et entretien les haies, en préservant aussi le bocage. Ce patrimoine et savoir de qualité, doit être préservé et transmis.
Avec encore de très nombreuses haies et des personnes sachant « plesser » désireuses de transmettre leur savoir, la pléchie en Morvan a de belles années devant elle et un avenir.
Un peu d’histoire
Claude Régnier linguiste reconnu, lors de ses enquêtes et dans son ouvrage « Les Parlers du Morvan » reconnaît que « les haies ont joué un rôle primordial dans l’économie morvandelle : les hommes passaient une grande partie de leurs journées d’hiver à les entretenir. Ainsi, il existe tout un vocabulaire de la haie… ». Ceci témoigne de son importance dans la vie quotidienne.
Selon l’aire géographique en Morvan, plesser se dit piècher, plécher, piècer, coucher, fiècher et l’arbuste pléché est un pièchie, pièchon, plècha, plèchon, piècha, piechê, plèchê, pièchais… Entre les pieux (pô ou caunéille), les arbustes incisés sont entrelacés ou fouessés, empeillés, faussés, fausséillés pour donner une haie plessée ou piéchie, plèchie, fièchie, pièssie…
L’entretien d’une plèchie nécessite de tailler la haie (râper, étrouper, étreuper, écerter…), de la couper sur le dessus (âtéter, étreuper, tailler…) et de la nettoyer (dâbarer, détraper, esserper, défeurtasser, étroper, queurer).
Les outils utilisés étaient la serpe et la cognée, le volant ou le croissant et le vouve ou goujard , les deux avec un ergot. Les essences « piéchées » étaient souvent le noisetier, le charme, le prunellier, le hêtre, le frêne.
Cette technique de haies vives « plessées se pratiquait dans beaucoup de pays d’Europe et depuis très longtemps, comme en témoignait déjà Jules César dans « la Guerre des Gaules ».
Elle disparut entre les deux guerres (1918-1939) avec le manque de main-d’œuvre suite aux morts de 14-18, l’exode rural, le développement des fermes, des productions, des techniques et la mécanisation. Le Morvan est, avec certaines régions du Pays de Galles et de l’Angleterre, une des dernières régions d’Europe où ce savoir-faire est encore vivant, principalement chez presque tous les agriculteurs de plus de 60 ans. De nombreux agriculteurs en retraite confirment avoir « pièché » jusqu’aux années 60-70 parfois plus. Ils géraient des petites parcelles qu’ils plessaient tous les 15 ans et surtout qui fournissaient du bois (ramettes) de chauffage. Ils n’avaient donc pas besoin sur leurs quelques hectares, et ne trouvaient ni rentable ni intéressant de planter des pieux d’acacia et de poser des barbelés. Il faut rappeler que jusqu’aux années 1960-70, la majorité des terres étaient cultivées (60-80%) avant la spécialisation du Morvan dans l’élevage de charolais qui transforma les champs en prairies (90 % aujourd’hui).
Le Morvan, avec ses multitudes de chemins et de parcelles bordés de haies vives, principalement des terres de cultures devenues aujourd’hui prairies d’élevage, se caractérise par son bocage avec ses haies (« trasses ou brosses »). Mais demain ? Aujourd’hui, les haies et les forets morvandelles dévoilent des milliers d’arbres adultes (de 60 à 250 ans) couchés, tordus, entrelacés, témoins d’anciennes piéchies.
Pour plus de renseignements : , chargé de mission patrimoine